SIRMELEC : Interview de Jérôme SIAT

Maintenance électrique / avec le SIRMELEC

« La vérité sur la maintenance des machines tournantes électriques. »

Les métiers de la maintenance sont au centre de l’efficacité énergétique industrielle, plaide Jérôme Siat qui veut en finir avec le mythe de la perte de rendement sur les moteurs re-bobinés.

Les processus industriels constituent une part importante de la consommation énergétique des pays développés. Au sein de l’industrie, les moteurs électriques représentent environ deux tiers de l’énergie électrique consommée. Aussi est-il naturel, à l’heure de réaliser les objectifs de sobriété énergétique, de rechercher des pistes d’améliorations de ce côté-là. Dans ce cadre, les rendements des moteurs électriques, c’est-à-dire la part d’énergie électrique effectivement transformée en force mécanique est une donnée majeure. Une amélioration, même minime, de ces rendements entraîne des économies d’énergie très importantes à l’échelle de l’ensemble du parc de moteurs installés.

Pourquoi la question du rendement des moteurs électriques est-elle centrale ?

Le législateur européen s’est engagé dans cette voie en 2009, au moyen de la directive dite Econception (« Energy Related Products ») dont un règlement concerne les moteurs électriques. Ce règlement interdit, à compter de juin 2011, la mise sur le marché et la mise en service de moteurs dont les rendements sont inférieurs au niveau de rendement IE2. En 2015, ce sera IE3… Cette réglementation ne vise toutefois que les moteurs neufs (mis sur le marché ou mis en service) et laisse de côté la maintenance des moteurs installés qui, compte-tenu de leur longue durée de vie, constitue un gisement majeur d’économies d’énergie.

La profession de la réparation de matériel électrique, représentée par le SIRMELEC, a un rôle majeur à jouer dans l’efficacité énergétique de l’industrie. Qui, mieux que celui qui répare ou entretient l’installation d’un industriel, peut le conseiller sur la manière de l’optimiser ? Cette expertise, ce savoir-faire ne se limitent pas au domaine environnemental. Le réparateur de matériel électrique, au contact permanent avec ses clients, sait prendre en compte, outre les facteurs énergétiques, des considérations techniques et économiques. En ce sens, il est à même de proposer des solutions plus efficaces énergétiquement mais qui remplissent néanmoins les conditions techniques nécessaires au besoin du client et sont acceptables d’un point de vue économique par celui-ci. En effet, un produit à très haut rendement mais qui implique un surcoût trop important pour l’industriel sera systématiquement laissé de côté.

Un gisement majeur d’économies bien trop négligé.

Par ailleurs, la durée de vie des moteurs industriels peut-être supérieure à 30 ans avec un taux de renouvellement nécessairement faible : l’amélioration des rendements des moteurs neufs est certes un objectif louable que la profession de la réparation de matériel électrique soutient pleinement. Néanmoins, l’impact de telles mesures ne se mesurera que peu à peu, au fil du remplacement des matériels et tardera à donner sa pleine mesure.

Au contraire, il existe de nombreuses pistes d’amélioration des systèmes existants, à un coût réduit et acceptable pour les clients. Il peut s’agir de modifications ou d’ajustements des systèmes d’entraînements aux besoins concrets de l’industrie : cette optimisation permet par exemple d’éviter des consommations injustifiées.

Il est urgent que les décideurs politiques et économiques comprennent que le principal levier d’économies d’énergie passe par la maintenance des machines tournantes. Les entreprises du SIRMELEC disposent d’une expertise majeure dans ce domaine : ils sont, en conséquence, un interlocuteur naturel des industriels souhaitant améliorer l’efficacité énergétique de leur matériel électrique.

Tordre le cou aux contre-vérités.

Cela suppose de tordre le cou à un certains nombres d’idées fausses qui ont la vie dure ! Ainsi du préjugé que la réparation d’un moteur électrique lui ferait perdre du rendement et augmenterait sa consommation énergétique. Cette rumeur entretenue depuis de très nombreuses années conduit à jeter l’opprobre sur toute une profession, en dépit de la réalité. Car il ne faut pas fausser les termes du débat : il ne s’agit pas de comparer, comme on le fait souvent, l’impact énergétique de la réparation et du remplacement d’une machine tournante par celui d’une nouvelle machine supposée avoir un meilleur rendement, donc positive pour l’environnement ! Ce raisonnement simpliste fait, par exemple, abstraction de l’énergie déployée dans la fabrication du nouveau moteur.

Le SIRMELEC propose une approche responsable et plus globale de ces questions, et forts de leur expérience de terrain, ses adhérents préfèrent analyser une situation énergétique globale, prenant en compte tous les paramètres (le recyclage de 90 % des constituants du moteur à maintenir (métal / cuivre), utilisation des nouveaux vernis écologiques sans solvants, etc.) Ainsi, le SIRMELEC vient de réaliser une étude – à paraître prochainement – sur l’impact environnemental des métiers de la réparation qui apportera des données fiables pour aborder ce problème du point de vue global.

Dans le débat public, l’expertise de la profession de la réparation de matériel électrique et son apport à l’efficacité énergétique industrielle ont été totalement occultés par un certain nombre d’allégations fallacieuses. Au premier rang de celles-ci, figure les pertes de rendements supposées induites par la réparation. Dans le débat sur l’efficacité énergétique, les réparateurs sont écartés au prétexte que leurs interventions dégraderaient les rendements des machines.

Une réparation bien effectuée conserve le rendement du moteur, voire l’améliore !

Il faut le dire une bonne fois pour toutes, cela relève de la mystification. Une étude précise et documentée, intitulée « The effect of repair/rewinding on motor efficiency » (disponible auprès du SIRMELEC – www.sirmelec.com) a été réalisée en 2003, conjointement par les organisations professionnelles américaine et anglaise du secteur (EASA – Electrical Apparatus Service Association et AEMT – Association of Electrical and Mechanical Trades). Plus de 20 moteurs de différentes puissances ont été testés avant et après rebobinage, en plusieurs groupes, selon plusieurs techniques et avec un groupe témoin. Les résultats ne montrent pas de variation significative du rendement des moteurs rebobinés suivant les procédures de bonnes pratiques et dans plusieurs cas les rendements ont même augmenté.

Cette étude tord le cou aux poncifs colportés habituellement et, au-delà, invite à réfléchir sur le rôle assigné au réparateur de matériel électrique. En effet, cette profession, loin d’être « par nature » l’ennemie du rendement, doit retrouver sa place au centre de la réflexion sur l’efficacité énergétique industrielle et faire valoir son expertise et ses compétences dans ce domaine.

Mettons fin à la vision simpliste qui consiste à croire que le combat de l’efficacité énergétique se gagnera grâce à une solution unique consistant à remplacer les moteurs en service par de nouveaux. Outre que cette solution est très coûteuse pour l’industriel, et donc moins attrayante, ses effets ne seront tangibles qu’à long terme. Enfin, en termes d’emplois, notons que la fabrication de ces nouveaux moteurs n’est pas majoritairement réalisée dans l’Hexagone.

En revanche, les emplois dans les métiers de la maintenance et de la réparation sont, quant à eux, non délocalisables et structurent le territoire national : cet apport social doit également être intégré dans une logique de développement durable !

Il s’agit donc de changer de paradigme et de s’en remettre aux gens de l’art, capables d’optimiser immédiatement et à moindre coût les installations industrielles et leurs systèmes d’entraînement. Le réparateur de matériel électrique sera, en ce sens, l’interlocuteur privilégié pour conseiller et mettre en œuvre l’efficacité énergétique.

Jérôme Siat,

PDG des sociétés ABE, AEM, AGEMO, UME et Innovation Développement (groupe Alphitan),

administrateur du SIRMELEC

En bref : les idées à retenir

« Qui répare ou entretient une installation est le mieux placé pour l’optimiser »

« Le rendement des moteurs électriques, c’est-à-dire la part d’énergie électrique transformée en force mécanique, est une donnée majeure de l’efficience énergétique »

« Le principal levier d’économies d’énergie dans l’industrie passe par la maintenance des machines tournantes »